- CARPATES
- CARPATESLes Carpates constituent l’essentiel du système montagneux de l’Europe centre-orientale. Elles offrent la forme d’un S inversé tournant sa convexité principale vers le nord, dans la direction de la plate-forme polonaise, et l’est, vers celle de la plate-forme moldave. Sur plus de 1 500 km, cet ensemble de chaînes, de massifs, de bassins intérieurs occupe une partie du territoire de cinq États. Demeurées, jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, comme les montagnes balkaniques, un foyer d’endémies, un refuge de populations, un réservoir de richesses inexploitées, un milieu de sociétés archaïques, les Carpates étaient considérées comme un milieu «répulsif». La mise en œuvre des plans de développement économique dans le cadre de chacun des États s’efforce d’intégrer chacune des régions carpatiques aux économies nationales, de valoriser les ressources naturelles, de transformer les populations et sociétés locales. Mais les Carpates peuvent-elles jouer un rôle dans une coordination ou une unification éventuelles des économies de ces pays?1. Une chaîne originalePar la morphologieMorphologiquement, les Carpates présentent des caractères mixtes ou de transition. On les considère comme le prolongement des Alpes: quelques massifs isolés des Alpes orientales autrichiennes, la chaîne de la Leitha au sud du Danube ont des traits «carpatiques». Au nord de Bratislava, les Petites Carpates annoncent la courbure de la chaîne. À l’autre extrémité, les Carpates se rattachent aux chaînes balkaniques: la vallée du Danube ne constitue pas une vraie frontière structurale, et les Alpes de Transylvanie se poursuivent, à l’est de la vallée du Timok, par une chaîne nord-sud. On considère cependant la Stara Planina (Balkan) bulgare comme de formation et de structure fort différentes, bien que son arc prolonge celui des Carpates roumaines.Les Carpates ont certains caractères des Alpes, mieux marqués cependant dans la genèse et la structure que dans la morphologie et le climat. Sans doute observe-t-on des paysages «alpins» dans les plus hauts massifs: crêtes et pics dentelés, formes glaciaires mieux représentées par des cirques (Tatry, Fagaras) que par des vallées en auge et des formations morainiques, vallées fortement creusées avec des replats et des gorges, bassins intérieurs profonds: mais ces traits sont ceux des Alpes orientales plutôt que des Alpes centrales et occidentales. La moitié du relief se situe à moins de 1 000 m, les plus hauts sommets ne dépassant pas 2 700 m. Point de glaciers ni de névés. L’étage alpin est fort réduit. La topographie, sauf dans les calcaires et les régions volcaniques, est massive et lourde, disloquée et discontinue.Par la genèseCe qui est alpin, c’est l’histoire de la formation et, dans une certaine mesure, la tectonique. Prolongement des Alpes, les Carpates sont une chaîne formée dans un géosynclinal qui se poursuivait jusqu’au Caucase. Les sédiments, empilés et soulevés, ont été plissés et déversés vers l’extérieur de la fosse pannonienne, en suivant une lente migration du géosynclinal vers le nord et l’est. Plis et charriages ont enrobé ou dépassé des massifs anciens, disloqués et basculés, effondrés ou relevés. Des éruptions volcaniques se sont produites le long des lignes de fractures. À une zone interne (massifs cristallins et primaires, massifs volcaniques, golfes et bassins intérieurs) s’oppose une zone externe. Celle-ci est formée de nappes et de plis, développés dans les dépôts détritiques de flysch, et représente la seule zone continue s’étendant des Petites Carpates aux Portes de Fer. Des mouvements se produisent encore à l’heure actuelle dans la zone précarpatique et le piémont roumain.Cette mise en place s’est effectuée au cours de phases successives, dont la plus ancienne est antérieure à celle du paroxysme alpin: deux ayant pris place au Crétacé moyen et supérieur, une au Tertiaire moyen, la plus récente au Pliocène; de longues périodes de repos ont permis la formation de surfaces d’aplanissement, gauchies sans doute par les mouvements ultérieurs, mais parfaitement visibles dans le relief actuel, d’autant plus que l’importance des massifs cristallins ou primaires concernés est plus grande que dans les Alpes. Longueur et répétition des phases d’érosion expliquent les altitudes moindres et la conservation de plates-formes ondulées ou basculées, caractéristiques des Carpates roumaines. Elles rendent compte de l’extraordinaire complexité du réseau hydrographique, affecté par des captures, des épigénies, des antécédences (Oltu, affluents de la Tisa), chaque vallée étant caractérisée par la succession de bassins et de gorges et des coudes brusques. Enfin, chaîne polygénique, les Carpates sont aussi discontinues, l’intensité de chacune des phases ayant été différente d’un secteur à l’autre de la chaîne: le relief doit donc être étudié région après région.Par le climatComme les Alpes, les Carpates accentuent le caractère continental du climat, et les zones de végétation s’étagent depuis le fond des bassins ou des golfes de plaine dans lesquels règnent la forêt de type continental et des éléments steppiques présents dans l’est de la plaine pannonienne et dans les plaines roumaines, jusqu’à la forêt de résineux et à la pelouse alpine. Bien arrosés, recevant de 1 à 2 mètres de précipitations en moyenne, et enneigés de 3 à 6 mois, les sommets sont des réservoirs d’eau pour les plaines environnantes. Mais la présence de bassins intérieurs profonds explique l’apparition d’îlots de relative sécheresse au sein même de la montagne. Les précipitations sont, à altitude égale, moins abondantes sur les versants orientaux placés sous les vents dominants.2. Unités géologiquesL’orogène carpatique comprend, d’une part, la chaîne de montagnes à double courbure qui s’étend de Bratislava, en Slovaquie, jusqu’à la rivière Timok, en Serbie orientale, d’autre part, des reliefs plus ou moins isolés, situés à l’intérieur de l’arc, tels les monts Apuseni en Roumanie, Bakony, Mecsek et Villányi en Hongrie. Cet ensemble montagneux s’est formé durant l’orogenèse alpine (c’est-à-dire pendant 250 Ma), lors de la fermeture de la Téthys.Les grandes unités tectoniques des Carpates proviennent des déformations successives du domaine océanique téthysien et de ses marges continentales. De l’extérieur vers l’intérieur de la chaîne, on distingue: l’avant-pays cratonique, l’avant-fosse molassique, les unités déformées de la marge continentale européenne comprenant les Moldavides, les Dacides marginales, les Dacides externes et les Dacides médianes (zone externe de la chaîne), la suture majeure téthysienne (partie centrale de la chaîne) correspondant aux Dacides transylvaines (ou Transylvanides) et aux Piénides, les unités de la marge continentale pré-apulienne (zone interne de la chaîne). Une partie de ces unités est recouverte par des formations qui constituent les dépressions pannonienne et transylvaine.L’avant-pays et l’avant-fosseL’avant-pays carpatique est formé de plusieurs plates-formes (cratons) précambriennes et paléozoïques à socles plissés, pour la plupart métamorphisés et souvent traversés d’intrusions granitiques et/ou dioritiques. Ces plates-formes s’étendent depuis la Bohême, la Silésie et les monts de Saint-Croix (plate-forme d’Europe centrale) jusqu’à la plaine du Danube au sud (plate-forme moesienne) en passant par la Moldavie et l’Ukraine (plate-forme est-européenne). Elles sont surmontées par une couverture sédimentaire paléozoïque, mésozoïque et cénozoïque, d’épaisseur variable, pouvant atteindre six à sept kilomètres dans certaines dépressions de la plate-forme moesienne (Roumanie) ou de celle d’Europe centrale (Pologne). L’avant-pays comprend aussi une chaîne particulière plissée au début et à la fin du Jurassique, la chaîne cimmérienne, qui affleure en Dobroudja septentrionale et se prolonge jusqu’en Crimée méridionale par le plateau continental de la mer Noire.Entre l’avant-pays et la chaîne plissée des Carpates s’allonge une dépression molassique néogène (Miocène supérieur et Pliocène) qui constitue l’avant-fosse. La subsidence y est variable: les dépôts peuvent atteindre dix kilomètres d’épaisseur (dépression de Foc ずani, en Roumanie) ou se réduire à de minces séquences de quelques centaines de mètres (Moravie). Dans la zone de courbure des Carpates roumaines et sur la bordure sud des Carpates méridionales, les formations mio-pliocènes de l’avant-fosse recouvrent en discordance les structures externes de la chaîne. Le long de la courbure, ces dépôts ont été plissés (zone des plis diapirs) au cours du Pléistocène inférieur (tectogenèse valaque).Les unités de la marge continentale européenneLes MoldavidesCorrespondant à la plus grande partie de la zone du flysch des Carpates, les Moldavides sont des nappes de couverture, structurées et charriées sur l’avant-pays pendant le Miocène inférieur et moyen. Elles sont issues d’un système complexe de sillons, allongé, fracturé et étiré sur le bord externe de la plaque continentale européenne, et séparé par des hauts-fonds et/ou des cordillères. Des séries sédimentaires où dominent des flyschs de différents types (gréseux, gréso-pélitiques, pélitiques, calcareux, etc.) s’y sont déposées, les matériaux provenant des parties exondées de l’avant-pays et des zones internes déjà déformées ainsi que des cordillères. Les unités moldaves sont représentées, en Slovaquie et en Pologne, par les nappes de Dukla et de Skole et par les nappes silésienne et subsilésienne, en Ukraine et en Roumanie, par les nappes du flysch curbicortical, d’Audia-Czernahora, de Tarc face="EU Caron" オu, la nappe des plis marginaux et la nappe subcarpatique. À l’exception de la nappe du flysch curbicortical (flyschs gréso-pélitique et gréseux, d’âge barrémien à cénomanien), les Moldavides sont caractérisées par des formations constituées de pélites sombres du Crétacé inférieur (il s’agit du Crétacé inférieur «noir», ou silésien), suivies généralement par des séries condensées souvent bariolées, du Vraconien au Turonien, puis par les flyschs sénoniens, paléocènes et surtout éocènes, montrant des lithologies différenciées et, enfin, par des dépôts de l’Oligocène et du début du Miocène présentant soit un lithofaciès de flysch (Krosno, Fusaru), soit – en position plus externe – un faciès bitumineux à grès quartzitiques (Kliwa). Dans les nappes de Tarc face="EU Caron" オu, des plis marginaux et la nappe subcarpatique, ces formations sont surmontées par des dépôts molassiques du Burdigalien (Miocène inférieur).L’arc des Carpates orientales internes et des Carpates méridionalesDepuis l’Ukraine, au nord, jusqu’en Serbie orientale, au sud, affleure un ensemble d’unités déformées au Crétacé (à l’Aptien-Albien et au Sénonien terminal): ce sont les Dacides marginales (Danubien), les Dacides externes (nappes de Ceahl face="EU Caron" オu, du Flysch noir et de Severin) et les Dacides médianes (nappes centrales est-carpatiques, nappes gétique et supragétique).Les Dacides marginales ne sont présentes que dans les Carpates méridionales (Roumanie et Serbie orientale). Elles correspondent à la bordure de la plate-forme moesienne sous-charriée vers l’ouest pendant le Crétacé. On y distingue un Danubien interne, avec plusieurs imbrications, chevauchant un Danubien externe. Ces unités sont constituées d’un socle métamorphique (du Précambrien et du Paléozoïque inférieur), traversé par de nombreuses intrusions (surtout granitiques) et surmonté d’une couverture sédimentaire permo-mésozoïque. Cette dernière est formée par des séries détritiques du Permien (avec des intercalations volcaniques acides) et du Jurassique inférieur et moyen; par des formations calcaires (néritiques dans le Danubien externe, et pélagiques dans le Danubien interne) du Jurassique supérieur et du Crétacé inférieur; par des termes marneux et un wildflysch du Crétacé moyen et supérieur. Une unité tectonique particulière des Dacides marginales, la nappe d’Arjana (au nord du Danube), constituée par des formations jurassiques et crétacées (notamment par une série volcano-sédimentaire alcaline jurassique), a été entraînée à la base de la nappe gétique qui surmonte le Danubien. Elle doit trouver son origine sur la marge la plus interne du domaine danubien. Les termes de cette nappe, ainsi que certaines autres zones de ce domaine, sont affectés par un métamorphisme de haute pression, d’âge mésozoïque.Les Dacides médianes, en position interne par rapport au domaine danubien et chevauchant celui-ci à la fin du Crétacé, sont représentées par un groupe d’unités qui se prolonge dans la partie axiale des Carpates orientales: ce sont les nappes gétique et supragétiques dans les Carpates méridionales, les nappes centrales est-carpatiques (bucovinienne, subbucovinienne, infrabucovinienne) dans les Carpates orientales. Elles sont constituées de roches métamorphiques précambriennes et paléozoïques, ainsi que de formations sédimentaires, surtout mésozoïques. Par endroits (surtout dans la nappe gétique) s’ajoutent des molasses permiennes et, plus rarement, du Carbonifère supérieur. Les dépôts mésozoïques montrent des traits spécifiques dans chaque unité ou groupe d’unités. Les formations triasiques, réduites par les érosions successives, débutent par de minces niveaux quartzeux, suivis par des dolomies et/ou des calcaires, restes d’une plate-forme carbonatée, plus profonde vers l’extérieur de la chaîne (nappes gétique et infrabucovinienne). Le Jurassique inférieur (faciès Gresten à charbons, ou faciès de haut-fond à sédiments ferrifères) et le Jurassique moyen gréso-calcaire, l’un et l’autre présentant souvent des lacunes de sédimentation, sont surmontés par des formations calcaires (soit pélagiques à Calpionelles, soit néritiques, dites de type Stramberg) dont les plus récentes sont d’âge néocomien dans la plupart des régions. Sur la bordure externe de la nappe bucovinienne se développe un étroit sillon de flysch durant le Tithonique-Berriasien. Le Barrémo-Aptien est de faciès urgonien; un sillon, d’âge barrémo-albien, à sédimentation wildflysch s’est toutefois développé dans la nappe bucovinienne. Succédant à la tectogenèse de la fin du Crétacé inférieur, responsable de la première structuration des Dacides médianes, le Crétacé supérieur est partout transgressif. Il est représenté par des faciès conglomératiques gréseux, suivis de séries pélagiques marneuses ou marno-gréseuses. Dans les Carpates orientales, la couverture post-nappe des Dacides médianes est formée par des dépôts du Crétacé supérieur puis du Paléogène, tandis que, dans les Carpates méridionales, affectées par une seconde tectogenèse d’âge fini-crétacé, les formations postérieures aux nappes débutent au Paléogène.Les Dacides externes, constituées par des flyschs du Tithonique et du Crétacé inférieur, avec à leur base des copeaux de roches basiques et parfois ultrabasiques, sont entraînées au front et à la base des Dacides médianes. Elles proviennent d’un bassin intracontinental à fond océanique ou à croûte continentale amincie, en extension depuis le Jurassique moyen.La suture majeure téthysienneRegroupant des unités constituées de complexes ophiolitiques et/ou de formations sédimentaires mésozoïques ainsi que paléogènes dans les Carpates occidentales, la suture représente les restes, écrasés entre les deux marges continentales, de la Néo-Téthys. Au sud, elle correspond à la zone du Vardar (d’où le nom de Vardarides pour les unités). Au nord du Danube, la suture se prolonge sous la dépression pannonienne, puis s’oriente vers l’est, où elle affleure dans les monts Métallifères (monts Apuseni méridionaux). Là, des ophiolites jurassiques sont surmontées par des calcaires du Jurassique supérieur ou par un flysch à faciès pélagique du Jurassique supérieur-Crétacé inférieur. Dans les monts Métallifères, ces unités montrent des vergences nord et nord-ouest qui deviennent bilatérales sous la dépression transylvaine d’où proviennent les nappes transylvaines ou Transylvanides (ophiolites triasiques et jurassiques; séries sédimentaires surtout calcaires du Trias, du Jurassique et du Crétacé inférieur). Ces dernières sont charriées, à la suite d’obductions d’âge crétacé, sur les Dacides médianes, à substratum continental, des Carpates orientales.Le long des Carpates occidentales (Slovaquie et Pologne) et jusque dans la partie nord de la Roumanie (Maramure ず) affleure la zone étroite des klippes piénines. Celle-ci comprend de nombreuses écailles serrées et étirées, constituées par des formations du Jurassique et du Crétacé inférieur à matériel rigide et par des dépôts surtout marneux à intercalations gréseuses ou conglomératiques du Crétacé moyen et supérieur. La succession palinspastique des diverses séquences lithologiques peut être la suivante: au nord, en position externe, une sous-zone de hauts-fonds (série de Czorsztyn à calcaires noduleux ou calcaires à Crinoïdes), peut-être à socle continental; plus au sud, la sous-zone piénine (stricto sensu ) à matériel pélagique (radiolarites, calcaires à Aptychus, etc.), provenant d’un sillon fort probablement à croûte océanique; au sud, en position interne, la sous-zone de Manin à calcaires urgoniens et flysch de l’Albien. Une ride paléogéographique exotique, localisée entre les deux dernières sous-zones, a alimenté celles-ci en galets de roches diverses (serpentinites, calcaires mésozoïques, granites) au cours du Crétacé supérieur. Après une première tectogenèse fini-crétacée, la zone des klippes piénines a reçu une sédimentation de type flysch, d’âge paléogène, qui a été déformée au cours du Miocène inférieur. Un sillon de flysch plus important, le sillon de Magura (qui a donné naissance à la nappe de Magura), dont le substratum serait de type océanique, est situé sur le bord nord du domaine des Piénides.Les unités de la marge continentale pré-apulienneAu sud et à l’ouest de la suture majeure téthysienne, la marge continentale pré-apulienne comprend un ensemble d’unités qui affleure au sein de la dépression pannonienne (monts Villányi, de Mecsek et de Bakom ou sur ses bordures (Carpates occidentales centrales, monts Apuseni). Les Tatrides (Slovaquie) et l’unité de Bihor (monts Apuseni) sont les plus profondes unités tectoniques et les plus externes. Au-dessus d’un socle cristallin, elles sont formées par un Trias calcaire et dolomitique (avec une lacune du Keuper), un Jurassique calcaire, des calcaires urgoniens et une série marno-calcaire crétacée qui atteint le Turonien. Au sud des Tatrides, en Slovaquie, les Véporides possèdent, au-dessus d’un socle cristallophyllien, une couverture mésozoïque faiblement métamorphisée.Tectoniquement au-dessus des unités tatriques, les nappes subtatriques (Kryzna, Cho face="EU Caron" カ, Strajov, etc.), en Slovaquie, et les nappes de Codru-Arie ずeni (Fini ず, Dieva, Moma, etc.) dans les monts Apuseni comportent des sédiments carbonatés triasiques dont les faciès sont comparables à ceux qui caractérisent l’Austro-Alpin moyen et supérieur d’Autriche. La sédimentation jurassique est calcaire ou radiolaritique vers l’ouest, lacunaire et néritique vers l’est.Les Gémérides (Slovaquie) et les nappes de Biharea (monts Apuseni) sont des unités de socle en position interne. Elles sont typiquement à caractère austro-alpin supérieur (faciès calcaires d’eau profonde ou faciès de Hallstatt). Au sud des Gémérides, l’unité de Meliata et les formations connexes (ophiolites, radiolarites, calcaires triasiques, séquence schisteuse jurassique) proviennent d’une suture océanique voisine (ou faisant partie) de la suture sud-pannonienne, décalée par rapport à celle-ci vers le nord-est par un décrochement dextre. En position plus méridionale, le massif de Bükk, qui possède des calcaires du Permien et du Trias de faciès dinarique, peut être considéré comme un «terrain exotique» d’origine apulienne, déplacé au milieu des éléments pré-apuliens. Au sud du décrochement dextre, les monts Mecsek et Villányi (Permien détritique, Trias surtout calcaire, Jurassique et Crétacé inférieur calcaire et détritique) sont corrélables avec les monts Apuseni (nappes de Codru-Arie ずeni ou de Biharea?).Les arcs magmatiques liés à des subductionsLa genèse de l’orogène carpatique a comporté d’importants raccourcissements issus de subductions des croûtes océaniques ou des croûtes continentales amincies et de l’empilement des nappes sur les socles continentaux. Plusieurs arcs magmatiques à caractères calco-alcalins sont liés au processus de subduction. Deux arcs «banatitiques» (Crétacé supérieur-Paléogène) se sont développés, l’un dans les monts Apuseni, lié à la subduction de la Téthys sous la marge continentale pré-apulienne, l’autre dans les Carpates méridionales (celui-ci se prolongeant dans les Balkans), lié à la subduction de la croûte océanique (?) des Dacides externes (Severin). L’arc volcanique le plus important s’étend de la Slovaquie à l’ouest jusqu’en Transylvanie orientale à l’est; il est lié aux subductions des croûtes continentales amincies ou des croûtes de type océanique qui constituaient les soubassements des sillons de flyschs (Magura, Dacides externes, Moldavides). Dans les monts Apuseni, il est doublé par un arc volcanique néogène moins développé.3. Les Carpates dans l’histoire des sociétésTypes de peuplementsLes Carpates, comme les montagnes balkaniques, et plus que les Alpes, ont joué dans l’histoire des sociétés le rôle d’une barrière et d’un refuge. Certaines crêtes ont servi, au moins temporairement, à l’établissement des frontières: les Hautes Tatras marquent la limite des peuplements et des langues slovaque et polonaise; la colonisation médiévale des Saxons en Transylvanie n’a pas dépassé les cols donnant accès aux plaines moldave et valaque. Bien que plus aisées d’accès, les passes traversant la chaîne ont été moins empruntées que celles des Alpes. La montagne, même d’altitude moyenne, a été un refuge pour des peuples pourchassés par les envahisseurs: ainsi, on observe une continuité du peuplement d’origine dace dans les bassins intérieurs (Maramures, Fagaras, Hateg) des Carpates roumaines. Dans le Bihor, les Motsi ont colonisé et défriché les plus hautes pentes. La population pastorale nomade et semi-nomade d’origine valaque a pendant longtemps parcouru les alpages de la Transylvanie à la Pologne avant de se fixer dans les hautes vallées ou au fond des bassins. Il n’empêche que le remarquable éventail hydrographique des Carpates a été une voie de pénétration ou de dispersion vers les plaines, soit sur le versant pannonien (affluents très longs du Danube et de la Tisa), soit sur le versant polonais (affluents de la Vistule), soit sur les versants orientaux (Danube inférieur et Prut).Dans le cadre d’une économie traditionnelle, la montagne a été un réservoir de richesses exploitées localement et de manière artisanale par des populations parfaitement adaptées au milieu. L’exploitation, souvent désordonnée, des belles futaies de chênes et de résineux alimentait une industrie du bois. Les mines – argent et cuivre en Slovaquie, or et fer en Transylvanie – ont attiré d’abord les Romains, puis les Germains.De la vie pastorale à l’exploitation intensive des ressourcesLa vie pastorale fut intense jusqu’à la Première Guerre mondiale: le grand géographe français de Martonne et les ethnologues slovaques et roumains ont décrit les mouvements locaux des troupeaux et des hommes montant, à cette époque, vers les stine , chalets d’alpage, et les mouvements de transhumance d’ovins venant des plaines voisines. C’est dans le cadre restreint de communautés autarciques (un groupe de vallées, un versant, un bassin) que se sont développés les régions ou pays (tari en roumain) qui ont gardé, avec des traits d’économie ancienne, des particularismes ethniques et folkloriques. Au cœur de la montagne ou sur ses bordures, la bourgade jouait le rôle de forteresse ou de marché.Grâce à l’application de plans régionaux, à l’effort financier consenti en faveur de régions considérées comme sous-développées, à la mise en œuvre de techniques nouvelles, l’économie moderne a permis non seulement l’intensification de l’usage des ressources traditionnelles, mais aussi la mise en valeur de richesses nouvelles. Plus rationnelle, l’exploitation des produits forestiers se concentre dans les grandes vallées sous la forme d’énormes combinats polyvalents fournissant bois de sciage, bois d’œuvre et pâte à papier. La vie pastorale a beaucoup diminué, mais les troupeaux qui subsistent furent collectivisés et l’administration s’est efforcée de réglementer les courants de transhumance et de moderniser la fabrication et la commercialisation des produits laitiers. Certaines mines, celles de métaux précieux en particulier, ont été abandonnées. Mais l’exploitation du fer dans les monts Métallifères de Slovaquie et de Transylvanie s’est développée. De nouveaux gisements ont été découverts: bauxite et cuivre. Les réserves de minerais d’alliage et de métaux non ferreux – manganèse dans le nord de la Roumanie, chrome près des Portes de Fer – ne sont pas négligeables. Les lignites et charbons bruns enfermés dans les dépôts néogènes des bassins intérieurs (vallée du Jiu en Roumanie par exemple) et les gisements salifères ont donné naissance à des combinats sidérurgiques et chimiques. Enfin, les gisements de gaz naturel de Transylvanie et de pétrole du pied de l’arc carpatique alimentent la montagne en énergie. Le potentiel hydro-électrique, à peine exploité avant la guerre, n’a commencé à être mis en valeur que dans les années cinquante. Les vallées slovaques du Vah et du Hron sont presque complètement équipées; celle de la Bistritsa sur le versant moldave et le bassin de l’Arges en Olténie sont en voie d’équipement. Bien qu’il soit difficile d’estimer avec précision la production actuelle des régions carpatiques, on peut l’évaluer à 25-30 millions de tonnes de charbon et lignite, 4 à 5 millions de tonnes de fer, une vingtaine de milliards de kilowattheures, ce dernier chiffre étant en accroissement constant.Enfin, la présence de sources minérales et thermales, la beauté des forêts, l’enneigement des pentes favorisent le tourisme, qui, en Roumanie, s’est moins développé dans la montagne que sur la côte. Zakopane en Pologne, les stations des Hautes Tatras en Slovaquie, Poiana Bra ずov en Roumanie ont été les premières à être équipées pour les sports d’hiver et pour une clientèle internationale, mais les séjours d’été sont beaucoup moins bien organisés et un gros effort reste à entreprendre.4. Économies nationales des régions carpatiquesC’est dans le cadre des unités régionales de relief, mais aussi dans celui des États, que doit être esquissée la physionomie des régions carpatiques, compte étant tenu du rôle que chacune d’elles joue dans les économies nationales.Trois États carpatiques par leurs frontièresTrois États ne possèdent qu’une frange de la montagne et ne sont «carpatiques» que par leurs frontières. La crête des Hautes Tatras cristallines barre la Pologne au sud. Des pyramides sculptées par l’érosion glaciaire dominent une série de chaînes parallèles boisées, découpées dans les grès du flysch de la zone externe, drainées par des affluents de la Vistule: les Beskides septentrionales. Pasteurs et bûcherons exploitent toujours les hautes surfaces. Les zones de vie se situent dans les bassins: aux sources de la Vistule, le haut bassin du Dunajec (Zakopane) et celui plus évasé qui lui fait suite, Nowy Targ.Il est difficile de considérer la Hongrie comme carpatique, mais les massifs en grande partie volcanique qui barrent au nord la Grande Plaine se rattachent à la zone interne de l’édifice: ces massifs (Borzsony, Cserhat, Matra, Bukk, Zemplen) fournissent à la plaine leurs eaux, leurs bois, leurs minerais, charbon et fer, et contribuent à l’essor des gros centres industriels du pays, Nograd, Borsod, la ville de Miskolc se situant en bordure.Les Carpates ukrainiennes ne se composent que des chaînes parallèles formées dans le flysch schisto-gréseux, ici large d’une cinquantaine de kilomètres, et découpées par un réseau dense d’affluents du Dniepr et de la Tisa qui ménagent des passages faciles (col de Dukla à un peu plus de 500 m) entre l’Ukraine et la Hongrie. La position périphérique de ce qui constituait avant la guerre la Ruthénie subcarpatique, alors rattachée à la République tchécoslovaque, n’a pas favorisé le développement de l’industrie; mais la ville de Mukacevo est devenue un des gros centres de transit (nœud ferroviaire, passage du pipe-line de l’Amitié, interconnexions électriques) entre l’ex-U.R.S.S. et ses anciens alliés d’Europe centrale. La ville commande aussi la route suivie par l’Armée rouge lors de son intervention en Tchécoslovaquie en 1968.TchécoslovaquieLa majeure partie de la Slovaquie au contraire est constituée par les Carpates qui s’y disposent en plusieurs zones: les chaînes du flysch forment, au nord-ouest, les Carpates blanches. Les Tatras ou Tatry se composent de deux hauts massifs: au nord, les Hautes Tatras cristallines et glaciaires dont les sommets dépassent 2 000 m; au sud, séparées des précédentes par le fossé tectonique de Poprad, les Basses Tatras: moins élevées, elles n’atteignent jamais 2 000 m; plus complexes, formées de blocs anciens, de massifs calcaires où se développe un beau relief karstique, de massifs volcaniques formant les monts Métallifères, elles sont reliées par des piémonts à la plaine pannonienne. La vie slovaque traditionnelle a été bouleversée par l’effort d’industrialisation. La population est descendue vers les vallées, s’est agglomérée dans des bourgades devenues villes, a abandonné partiellement ses activités rurales pour les industries nouvelles dispersées dans presque toutes les vallées: Vah, Nitra, Hron à l’ouest; ou les bassins de Slovaquie centrale et orientale: Banska-Bystrica, vieux centre minier rénové par une exploitation moderne, Ziar où sont traitées les bauxites hongroises grâce à l’énergie hydro-électrique. Kosice, auprès de laquelle est édifié un centre de sidérurgie lourde utilisant les minerais d’Ukraine, atteignait 240 000 habitants en 1991. Les industries textiles et du cuir sont disséminées. L’émigration slovaque vers l’extérieur a été ralentie, mais la rentabilité des investissements dans un milieu souvent défavorable et l’instabilité des structures sociales, un moment liée à la multiplication des ouvriers-paysans, posent de sérieux problèmes.Roumanie, pays carpatique par excellenceLa Roumanie est, par excellence, un État carpatique. Aisément franchie par des voies ferrées et de bonnes routes (vallée de la Prahova, défilé de la Tour Rouge), la montagne n’est plus une barrière dans l’État tel qu’il a été délimité au lendemain de la Seconde Guerre mondiale: c’est une réserve d’énergie, de main-d’œuvre, de matières premières. Mais le développement régional a été inégal, en fonction des ressources locales, des facilités d’accès aux massifs et de la présence de centres urbains déjà développés. Il est aisé de distinguer les régions demeurées relativement à l’écart et les régions dont l’essor industriel a été remarquable depuis la guerre, la production étant de dix à quinze fois plus importante alors que la population ne faisait que doubler ou tripler dans l’intervalle.Les Carpates occidentales, connues en France sous le nom de massif de Bihor, forment un ensemble de massifs situés en marge, série de blocs soulevés, de fossés et de formations volcaniques. Au nord de la rivière Mures, les Apuseni, montagne agricole et minière, restent peu pénétrés par l’économie moderne; les monts Métallifères n’ont plus leur activité d’autrefois. Au sud, le massif de Poiana Ruscai est limité par la dépression du Hateg où s’est développé le centre sidérurgique de Hunedoara fondé sur l’extraction proche du charbon et du fer.Les Carpates orientales présentent la succession zonale la plus complète dans l’ensemble de l’arc: massifs cristallins et volcaniques dans la zone interne, très large zone de flysch dominant la région subcarpatique et le plateau moldave. Malgré la renaissance du centre minier de Baia Mare, le nord (Maramures) a gardé des traits archaïques et la vie pastorale se maintient. Le front oriental, pénétré par de profondes vallées, reçoit l’énergie hydro-électrique de la Bistrica; des gisements de lignite, de gaz naturel et de pétrole de la bordure et les bourgades de bassins s’épanouissent sous l’impulsion des gros centres urbains de Moldavie. Bra ずov, avec plus de 350 000 habitants en 1989, ancienne forteresse devenue un centre d’industrie mécanique (tracteurs et camions), se situe à la jonction des Carpates méridionales et orientales.Celles-ci dressent les plus hauts massifs (Bucegi, Fagaras, Paringu...) au-dessus des bassins de Transylvanie et des plaines de Valachie et d’Olténie, où se dessine un piémont fort peuplé au-dessus de Pitesti et de Craiova. Elles recèlent les plus grandes richesses hydrauliques et minières; les gros combinats sont concentrés sur les versants intérieurs: vallées du Jiu (charbon et lignite), de Victoria (industrie chimique). L’exploitation et la mise en valeur de gisements à proximité des Portes de Fer (manganèse, chrome et surtout cuivre) ont été accélérées par la fourniture d’énergie de la grande centrale proche. Enfin, il est évident que, sans appartenir aux Carpates, le plateau et les plaines de Transylvanie, avec leurs gisements de gaz naturel et l’essor de la ville de Cluj, participent, dans une vie économique de symbiose, au développement de la montagne.Carpateschaîne de montagnes du système alpin, située en Europe centr., formant un arc de cercle orienté du N.-O. au S.-E. (plus de 1 500 km de long), s'étendant sur la Slovaquie, la Pologne, l'Ukraine, la Roumanie; moins élevées que les Alpes (2 663 m dans les Hautes Tatras et 2 543 m au Moldoveanu), elles sont peu marquées par l'érosion glacière. Un plissement tertiaire souleva des terrains sédimentaires (nappes de charriage) et cristallins qui constituent l'ossature de la chaîne: Tatras, massif de Maramures, Alpes de Transylvanie (Carpates méridionales). Les Carpates, très boisées et longtemps peu fréquentées, ont servi de refuge aux populations autochtones (Slaves, Hongrois et Roumains) chassées des plaines par les invasions tatares et turques. Auj., la vie se concentre dans les vallées (nombreuses rivières) et dans les bassins. L'exploitation forestière est très importante. Le sous-sol recèle des gisements en voie d'épuisement: bauxite, charbon et, en Roumanie, pétrole et gaz naturel.
Encyclopédie Universelle. 2012.